jeudi 23 mars 2023

Paris insurrectionnel

 


Je ne sais pas s'il s'agit de la der des der, mais de toutes les manifestations auxquelles j'ai participé ce fut de loin la plus violente.

Je l'ai rejointe en son milieu de parcours par la ligne 4. La station "Strasbourg - Saint-Denis" étant fermée, je suis descendu à "Réaumur-Sébastopol". Puis j'ai rejoins la rue "Saint-Denis" par la gauche si tu vois. Jadis c'était un haut lieu du tapinage, mais ça a bien changé. J'en ai quand-même compté une demi-douzaine, plus très jeunes, dans le coin de la rue Blondel. Elles étaient là juste pour dire, comme ça, perpétuant sans trop y croire un vieux savoir-faire local. 

Au moment même où j'atteignais la porte Saint-Martin, la tête de la manifestation arrivait, précédée d'une flopée de CRS. J'étais synchrone. Le cortège officiel lui, avançait très lentement, ralenti dans sa progression par un nombre très significatif de perturbateurs qui cassaient ou brulaient tout ce qui leur tombait sous la main, comme ce pas de porte en marbre dont les débris allaient servir plus tard de projectiles. 



 Ce quartier est un véritable labyrinthe de ruelles, de rues étroites, même en grand nombre il est très difficile aux forces de l'ordre d'en avoir complètement le contrôle. Et ce qui devait arriver arriva : la manifestation, sa partie agressive, métastasa dans sa proche périphérie entraînant son lot de vitrines brisées, de poubelles (nombreuses en cette saison) brûlées. Je décidais de rejoindre l'Opéra par un itinéraire bis de ma connaissance que je trouvais moins risqué pour mes abattis. Ce fut en pure perte : tous les accès que j'avais envisagés étaient bloqués. A contre-cœur je rejoignis le boulevard par la rue du faubourg-Montmartre. Là je tombai sur M. Ivan Rioufol en personne, venu m'a-t-il dit en voisin vu qu'il crèche à un jet de pavé. Nous avons devisé de tout et de rien, de son émission, de la manifestation du jour, avec devant nous le Grand Rex. Je me suis autorisé à lui dire qu'il faisait des question trop longues, qu'à mon avis il y gagnerait en clarté à synthétiser un peu ses prises de paroles. Bon prince il en a convenu, m'expliquant qu'il s'agissait sans doute d'une déformation professionnelle vu qu'il vient de la presse écrite et que la télévision est un format somme toute assez nouveau pour lui. Nous en étions là quand une charge soudaine de CRS nous fit comprendre que ce n'était pas vraiment l'endroit idéal pour papoter. Prenant notre courage à deux mains nous battîmes en... retraite. Nous sommes tombés d'accord sur le fait que nous n'avions plus le cuir assez dur pour encaisser des coups de matraque. D'ailleurs il en avait assez vu et décida de rejoindre ses pénates sans davantage mettre ses os en péril. Après m'avoir salué je le vis s'éloigner, droit comme un I dans son imper malgré son âge avancé.

Je marchais encore un peu mais finalement moi aussi j'en avais assez vu. Je décidais de rejoindre le métro Réaumur par un entrelacs de rues jonchées de débris de poubelles fumantes. La manifestation elle-même dégueulait par ces rues : ses participants lassés de ne plus pouvoir avancer baissaient les bras, rangeaient banderoles et slogans, s'évadaient comme moi par la rue Réaumur.

Quelques photos :




 

lundi 20 mars 2023

Schizophrénie française

 Les Français sont comme ça : ils élisent, pour faire barrage n'est-ce pas, quelqu'un dont ils savent qu'il ne leur veut pas que du bien. Puis après, cinq années durant, ils défilent dans les rues pour lui dire combien il le haïssent... 

dimanche 19 mars 2023

Un samedi à Paris sous Macron II

 

 


 

Mais, amis lecteurs, ne perdez jamais de vue que c'était lui ou le chaos.... 

Photos cliquables : 












samedi 18 mars 2023

Pour ou contre ?

 

La démocratie selon Hidalgo...

Pour ou contre le nouveau plan de circulation ? Vous n'y pensez pas...

Pour ou contre le nouveau mobilier urbain à chier ? Vous n'y pensez pas...

Pour ou contre les salles de shoot près de chez vous ? Vous n'y pensez pas...

En revanche :



Le premier avril on aurait cru à une blague... 

mercredi 15 mars 2023

Le pigot



Si c'est au jeu des ricochets que Brassens était "de première force", moi c'était au lance-pierres, que nous appelions "pigot" dans notre région.

J'en maîtrisais à la perfection la fabrication et le tir. Le tir c'est une affaire de géométrie, de perpendicularité, d'équerrage, de point fictif de visée. La conjugaison de ces trois paramètres n'est pas aussi aisée qu'il n'y paraît. Pour la fabrication je choisissais tantôt une fourche de noisetier, tantôt une fourche d'orme (aujourd'hui disparus). C'est dans ce bois très dur que je fis mon dernier pigot. En montant sur la roche qui est derrière notre maison, je l'avais repéré dans la futaie ce "V" parfait, ni trop écarté ni trop rapproché, au diamètre des branches régulier. Muni d'une petite scie je l'avais découpé grossièrement puis, redescendu, j'avais évalué les proportions, ramené la fourche aux dimensions idéales du pigot. Ensuite, avec mon Opinel, j'avais creusé les entailles dans lesquelles j'irai plus tard fixer, avec de la ficelle de boucher, les extrémités du lanceur, une bande de caoutchouc prélevée dans une vieille chambre à air de vélo. 

Le résultat fut magnifique, proche d'une œuvre d'art.   

Très vite je l'essayais, sur des boites de conserves, des canettes vides dont je repoussais, après chaque nouvel impact, l'éloignement de quelques mètres. Il était d'une précision redoutable, faisait ma fierté d'enfant.

En une belle fin de journée d'été, j'étais dans le jardin, parcourant une BD. Délaissant ma lecture, je levais les yeux vers les hirondelles qui piaillaient, se regroupant sur les fils électriques (aujourd'hui enterrés) qui passaient devant notre maison, longeant le muret qui borde la route. Elles étaient encore nombreuses à cette époque, nichant dans les granges, les hangars ouverts à tous les vents. Elles venaient de passer la journée à arpenter les cieux, se racontaient des histoires d'hirondelles avant la nuit, faisaient comme les notes de musique d'une partition sur les câbles. Je me suis levé. Je suis allé chercher le pigot. J'ai tiré sans trop y croire. Elle était si petite... Mais j'ai vu une note de musique décrocher, tomber et disparaître derrière le muret. J'ai passé la porte qui donne sur la rue. Là, aux pieds de liserons sauvages, je l'ai vue. Je l'ai prise dans ma main. Elle était encore chaude, sa tête toute désarticulée, l’œil fermé.

Je suis resté un long moment, incrédule, triste, désemparé.

A partir de ce jour je n'ai plus jamais fabriqué ni tiré au pigot.





samedi 11 mars 2023

La soupe au chocolat

Elle arrivait le plus souvent, et le plus logiquement, vers la fin du mois. Pour ma mère c'était un crève-cœur, pour nous c'était jour de fête, ça nous changeait de la soupe au potiron. Pour elle cela voulait dire que le frigo faisait du froid sur du vide, quand on ne l'avait pas  déjà éteint. Nous étions trop jeunes pour comprendre la signification de la soupe au chocolat. Peut-être mon frère aîné la comprenait-il, lui qui était le seul à ne pas s'en réjouir, à ne pas partager notre joie.

La recette était simple : ma mère versait dans une casserole un reste de lait qu'elle allongeait d'eau. Puis elle récupérait dans la panière tous les vieux croûtons délaissés, si durs qu'elle avait parfois du mal à les briser, les jetait dans la casserole. Elle saupoudrait le tout d'un peu de cacao, et c'était le festin.

Mes parents appartenaient à cette génération pour laquelle terminer dans le rouge, devoir des sous à la banque, aurait été l'humiliation suprême. À la banque ils leur devaient l'emprunt pour la maison. C'était beaucoup mais c'était tout. Pour le reste il fallait faire avec ce que l'on avait.

L'autre jour ma belle et moi avons fait un déjeuner de roi :

Crevettes sauvages d'Alaska, avocats d'Israël et son filet d'huile d'olives, première pression à froid, de Tunisie, salade rougette, œufs pochés au vinaigre balsamique, picodons d'Ardèche, ananas Victoria de la Réunion.

Ça méritait bien un rot de conclusion, que je me suis permis discrètement... 

Le soir venu je me suis dit qu'après un tel repas je pouvais faire l'impasse sur le dîner.

Je regardais Darius qui, comme il le fait invariablement depuis un an, nous expliquait encore et encore combien la guerre de Poutine est un contresens historique, combien son armée est naze, archi naze. Ne venait-elle pas encore de perdre pas moins de 130 chars, dans la répétition d'une erreur déjà commise aux premiers jours de la guerre ? Une telle désinvolture avait de quoi surprendre, laisser pantois...

C'est à ce moment là que mon estomac s'est de nouveau manifesté : j'avais faim, une faim dévorante. 

Le frigo faisait du froid sur du vide. Un frigo Potemkine en quelque sorte. Ne restait plus que quelques feuilles de salade, une tablette de beurre entamée. Sur la table, un quignon de pain, une banane oubliée qui n'en finissait pas de noircir. J'ai ouvert le quignon de pain, étalé un peu de beurre, écrasé la banane, trouvé un peu de sucre de canne et saupoudrer le tout...

C'était bon comme une soupe au chocolat.