À l'heure où nos fêtes chrétiennes font le bonheur des chocolatiers, des pâtissiers et autres commerçants, à défaut de remplir les églises, je voudrais dire ici ce qu'était pour nous la tradition des œufs de Pâques.
Dans ma tendre enfance j'ai été enfant de chœur. Quand venait le moment de Pâques, notre curé (qui était en fait un abbé) nous chargeait d'une mission : aller bénir les maisons de la commune. Notre commune, ou paroisse, avait un rayon de près de deux kilomètre et une journée entière n'était pas de trop pour mener à bien cette mission. Nous partions à bicyclette, avec dans nos sacoches des sandwichs variés, et quelques paquets de chips, le bénitier accroché au guidon. Nous frappions aux portes des maisons, des fermes, et nous proposions la bénédiction. Durant la courte cérémonie nous entonnions ce chant (sauf Dédé qui chantait faux) :
Chétiens chantons, chantons, joyeux,
C'est notre Christ le Roi des cieux,
Qui ressuscite glorieux,
Alléluia, alléluia, alléluia !
Le bénitier, de faible contenance, se vidait rapidement au gré des soubresauts du vélo. Alors nous le complétions dans un ruisseau ou à une fontaine publique. Pour une maison garantie bénie à l'eau de rivière, les paroissiens nous laissaient quelques pièces, qui allaient en rejoindre d'autres dans une sacoche dédiée. Parfois, il faut bien le dire, des portes restaient obstinément closes, soit par radinisme maladif, soit par athéisme borné.
Mais il nous arrivait aussi d'atteindre des fermes éloignées, isolées ; pauvres. Je me souviens de l'une d'elles, leurs propriétaires travaillaient encore leurs terres avec des percherons. Pour eux il y avait encore un maréchal-ferrant au village. En remerciements ils nous offraient une douzaine d'œufs frais du matin. En cela ils respectaient à la lettre la tradition qui veut, en ce moment de joie, que l'on améliore l'ordinaire du curé en lui offrant de quoi faire un festin : œufs donc, mais aussi quartiers de viande, poules, légumes du jardin.
Nous repartions avec les œufs. Mais les ramener intacts au presbytère était un défi irréalisable. Alors, au premier tournant, nous nous arrêtions au pied d'un talus. A l'aide d'un morceau de bois nous percions les œufs à leurs extrémités (un peu comme tu casses ton ampoule de vitamines D si tu vois), et nous les gobions. Fallait avoir le cœur (et le foie) bien accroché. Nous l'avions.
Nous revenions avec une maigre recette... Beaucoup de ferraille, de rares billets.
Elle était d'autant plus maigre cette recette, qu'elle n'était pas destinée à aller dans les poches de la soutane de notre curé, mais à nous offrir un voyage : le voyage annuel des enfants de chœur. Nous n'étions que des enfants et les considérations financières nous passaient très haut au-dessus de nos têtes. En y repensant, je soupçonne que notre curé avait un carnet d'adresses de généreux et discrets donateurs pour faire la soudure ... Combien d'enfants ont vu la mer pour la première fois grâce à ces voyages ? C'était la version chrétienne du secours populaire...
Le voyage avait lieu au début du mois de juin. Je me souviens de l'un d'entre eux, au cours duquel nous allions découvrir la dune du Pilât. Dans le car ça sentait le jambon-beurre et la banane, le chewing-gum à la menthe. Nous étions turbulents, excités, comme on l'est dans ces âges. Notre curé faisait le voyage à l'avant, à côté du chauffeur. Parfois il se levait vers nous, réclamant un peu de calme. Son regard se posait sur chacun d'entre nous. Peut-être cherchait-il à deviner qui d'entre nous serait un jour son successeur...
De successeur il n'en a pas eu. L'église est fermée aujourd'hui, n'ouvre plus que pour les enterrements.
Voila en tout cas, ce qu'était pour nous la tradition des "œufs de Pâques".
Ça rend un peu con ce genre de pratique...
RépondreSupprimerZob...
SupprimerDans mon histoire d'oeufs de Pâques à moi, y avait pas de curé mais y avait un lapin ! D'aucuns vous diront qu'ils ont des traits en commun, mais faudrait pas trop les écouter !
RépondreSupprimerDonc c'était un (chaud ?) Lapin de Pâques qui apportait les oeufs et les cachait un peu partout dans le jardin. Y avait plus qu'à aller les trouver. Ils étaient très joliment peints et de toutes sortes de couleurs. On rentrait à la maison avec un plein saladier d'oeufs peints. Au déjeuner on jouait à qui qu'aurait l'oeuf champion, en tapant l'oeuf de l'un contre l'oeuf de l'autre et le champion était celui dont l'oeuf ne s'était pas cassé !
Je me demande si Léon - zip levé ou baissé - viendra nous raconter son histoire ?
D'aucuns vous diront qu'ils ont des traits en commun, mais faudrait pas trop les écouter !
SupprimerArf.... 🙄
Le nôtre sa passion c'était les p'tits trains...
Mais l'un n'empêche pas l'autre ! 😊
Merci pour votre récit.
RépondreSupprimerEt on avait intérêt à faire ses Pâques !
( souvenir d'une gifle de mon père...)
Je vous en prie !
SupprimerIl y a aussi (et surtout ?) le fait que pendant le Carême précédent Pâques (40 jours sans manger ni viande ni œufs !), si la viande pouvait plus ou moins se conserver fumée ou salée ou si il suffisait de ne plus tuer quelque bestiole comestible de la basse-cour , les poules continuaient à pondre... et les œufs ne se conservant pas il était parfois souhaitable de se débarrasser des plus anciens auprès du premier enfant de chœur qui passe (d'où l'expression "prendre pour un enfant de chœur...)
RépondreSupprimer...!
C'est sans doute une explication... 🙁
SupprimerMerci! Catholique mécréant, je partage cet attendrissement sur un passé lointain où les culottes étaient courtes, les films en noir et blanc et les prêtres en soutane.
RépondreSupprimerPangloss
Notre "noir et blanc" était haut en couleurs ! 😊
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