4500. C'est le nombre de caméras de surveillance qu'il y a à Paris. Elles sont là pour, soit-disant, assurer notre sécurité. Mais, plus prosaïquement, elles sont là pour remplir les caisses de la municipalité*, surveiller et sanctionner le moindre écart, la plus petite faute d'inattention des automobilistes, qui se retrouvent un peu dans la situation d'un insecte pris dans une toile d'araignée. En tout cas c'est l'image qui lui venait à l'esprit quand il prenait son antique voiture pour aller faire une livraison chez les bobos qui, eux, avaient depuis longtemps délaissé ce mode de transport. Ces bobos il les vomissait : toujours ils le remerciaient d'abondants "merci", de sourires hypocrites, mais n'avaient jamais un fifrelin en poche pour le pourliche. 4500... Ce chiffre, à lui seul faisait monter sa tension, son stress. Mais les bobos lui donnaient des envies de meurtre...
Parfois il partait loin en banlieue, chercher une commode vintage dans une galerie, une salle des ventes. Il avait alors pour seule compagnie les musiques de FIP, et la voix de Vanessa, son navigateur. De longs trajets durant lesquels il méditait sur son sort. Il était vraiment tombé bien bas... Lui qui avait toujours dépensé sans compter un argent qui ne lui avait jamais manqué, en était réduit à faire des livraisons via une célèbre application. Il lui arrivait, à un feu rouge ou dans un embouteillage, de laisser s'échapper d'énigmatiques "bof", qui étaient comme un résumé de ses pensées moroses.
Dans Paris, Vanessa le faisait souvent emprunter les mêmes itinéraires. Ainsi il connaissait par cœur la rue De Miromesnil, étroite et sombre, qui ne voyait jamais le soleil. Elle descendait en pente douce vers la place Beauvau et le Palais de l'Élysée. Il y avait en permanence, à une certaine hauteur, un car de CRS stationné. Là, un ancien président de la république, qui jadis aimait s'exhiber aux bras d'une bimbo, en affirmant qu'entre elle et lui c'était du sérieux, y avait ses bureaux, à deux pas de l'Élysée. L'Élysée le laissait perplexe. Nulle part ailleurs il n'y avait autant de flics au mètre carré, autant de caméras ; on avait rehaussé les murs d'enceinte autour des jardins, des barbelés couraient sur leurs sommets. Même la Santé n'était pas aussi bien protégée, ce qui lui faisait penser que, sans doute, vivait là le premier prisonnier de France...
Il regagnait la rive gauche par le pont Alexandre 3. Rue de Bourgogne on démontait les guirlandes de Noël des cafés. Elles continuaient un temps de briller sur le trottoir mouillé. Vanessa annonçait qu'il entrait dans une "zone de contrôle". Combien de temps encore pourra-t-il faire ça ? Sa voiture montrait de sérieux signes de faiblesse, sera interdite de circulation intra-muros fin 2023. Mais d'ici là il lui faudra passer le contrôle technique... Non. Ça n'en valait pas la peine. La meilleure solution, le moment venu, sera de s'en débarrasser. Les bobos, sur ce point, avaient raison.
Ce jour là il s'en foutra définitivement des 4500 caméras.
*Comment Anne Hidalgo utilise les caméras de vidéosurveillance pour faire le plein de PV à Paris
Il s'appelait Mohamed, il était né à Belleville côtè 20ème, il avait une 404 Pick-Up -ça faisait "dans le coup" pour les clients !-, c'était un sacré prophète, il avait vu venir toute cette merde depuis bien longtemps...
RépondreSupprimerN'oubliez pas... Big Sister is watching you N'oubliez pas !
RépondreSupprimerPour l'instant il a encore sa Vanessa, alors de quoi se plaindrait-il ?
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