samedi 9 avril 2022

L'amitié

 


Voilà un an que tu es mort "P.", un an que je n'arrive pas à me faire à cette idée.

Je crois qu'il ne se passe pas une seule journée sans que ton souvenir s'impose à moi, sous la forme fugitive d'une image, en lisant un texte qui t'aurait fait rire, en pensant aux événements actuels dont tu aurais été intarissable d'analyses, en cette veille d'élections aussi.

Je te revois à "S", tes yeux bleus de savoyard levés au ciel, cherchant les mots pour la suite d'une idée, d'une démonstration à compléter, à parfaire, je te revois enduisant tes coudes rongés par le pso d'une crème apaisante. Quand tu t'assoupissais, vaincu par le verre de trop, on s'ennuyait déjà.

Sais-tu qu'il m'arrive encore de te parler, la nuit, en rêves ? 

L'autre jour, dans la rue près de chez moi, j'ai suivi un homme qui, de dos, avait tout de toi, de ton imposante silhouette, même sa démarche un peu lourde était la tienne. Il a tourné dans la rue de Charenton. Ainsi donc désormais tu habites rue de Charenton ? Et tu ne m'en as rien dit ?

Parfois les gens vous disent qu'ils ont deux ou trois amis. Je crois qu'ils mentent ou qu'ils se leurrent. 

Quand la vie vous en fait le cadeau d'un seul, c'est déjà un miracle.

3 commentaires:

  1. Magnifique et tellement touchant ! Qui ne voudrait avoir un ami capable de parler ainsi de soi après la mort ?

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  2. Bel hommage.
    C'est vrai que c'est beau l'amitié et précieux et d'autant plus rare que normalement ça doit résister à tout .

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Lâchez-vous ! Mais en gens bien élevés tout de même...