mercredi 2 mars 2022

Du sordide dans le tragique

 J'avais, moi aussi, été frappé il y a quelques jours que le seul témoignage de Français bloqués à Kiev fut celui d'un couple, en l'occurrence un couple de lesbiennes venues en Ukraine prendre "livraison" de leur commande, à savoir un bébé, "leur bébé" osaient-elles dire, qui s'apprêtait à naître après neuf mois de gestation dans le ventre acheté (loué) à une femme probablement déshéritée pour en être arrivée à ce sordide marchandage. J'en avais ressenti un profond dégoût quand, la présentatrice en plateau, conclue l'interview par un "merci pour cette belle histoire". Une belle histoire ? Vraiment ?

Les valeurs de l'Europe, cette Europe cul par-dessus tête, c'est l'avortement légal jusqu'à 14 semaines et bien davantage en cas de "détresse psychologique", le commerce des ventres de femmes paupérisées, et ces "valeurs" n'ont rien de désirables. Elles ont, au contraire, tout de valeurs nauséabondes, putrides et inversées qui ne sauraient raconter "de belles histoires".

J'avais eu envie d'en faire un billet puis y avais renoncé. Mais, ce matin, Le Figaro publie la tribune qui suit, tribune à laquelle je souscris entièrement. Elle dit clairement ce qu'est la GPA : une autre forme d'esclavagisme, d'odieuse exploitation.

 

 

Marché de la GPA en Ukraine: «L'égoïste inquiétude des clients occidentaux face à la détresse des mères porteuses»

«Les cliniques de GPA ukrainiennes s'acharnent à continuer leur business.»
«Les cliniques de GPA ukrainiennes s'acharnent à continuer leur business.»

FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que la guerre s'intensifie en Ukraine, des couples français s'épanchent dans la presse sur leur inquiétude à pouvoir mener à bien leur projet de GPA en Ukraine. La journaliste et essayiste, Céline Revel-Dumas, dénonce l'indécence de ces revendications.

Formée en histoire et en philosophie et diplômée de l'Essec, Céline Revel-Dumas est journaliste. Elle est l'auteure de GPA, Le Grand Bluff paru le 16 septembre aux Éditions du Cerf.



La guerre est si monstrueuse qu'elle jette à la face des hommes ce qu'ils supportent le moins du monde : la vérité. Ce week-end, contre toute attente, la gestation pour autrui a révélé son véritable visage. Celui d'un opportunisme commercial insensé satisfait par un égoïsme aveugle. Alors que le monde voit le peuple ukrainien résister contre l'envahisseur russe, que Kiev est assiégée par les chars, que des civils fuient ou s'enterrent dans des abris de fortune, deux femmes françaises bloquées en Ukraine et attendant la naissance d'enfants nés de GPA apparaissent, elles, tout sourire sur BFMTV et LCI. Leur «gros problème», selon leurs mots : «Toutes les administrations fonctionnent au ralenti, voir pas du tout», déclare l'une d'elles. Les deux femmes en appellent au gouvernement français pour être rapatriées avec «leur bébé», le plus vite possible. Les deux femmes pensent «à tous les Français, à toutes mamans et tous les papas qui sont eux en France et qui vont avoir leur naissance dans quelques jours (…) et qui ne pourront pas récupérer leur bébé». Alors même que l'armée russe sème la mort, ces deux Françaises pensent aux couples qui ne pourront pas récupérer l'enfant prévu. Indécence.

 En Ukraine, la GPA apparaît dans sa noirceur la plus crasse. Celle des regards rétrécis d'Occidentaux refusant de voir au-delà de leur désir personnel, encouragés par l'appât du gain à toute épreuve d'une industrie avide. Pas un mot, pas une phrase pour ces «mères porteuses» dont on ne souhaite la survie provisoire que pour qu'elles livrent leur lot, et qui pourront ensuite retourner à leur sort, plus tragique encore que celui de l'indigence financière qui les a poussées à porter un enfant pour d'autres afin de nourrir les leurs.

L'une des fulgurances dont était capable Oscar Wilde décrit ce pire à l'œuvre : «Il n'y a que deux tragédies dans la vie : l'une est de ne pas avoir ce que l'on désire ; l'autre est de l'obtenir». Le coup du sort qui frappe les couples infertiles n'a pour sauf-conduit que la violence qu'ils infligent à ces femmes abandonnées à leur misère et leur angoisse et les enfants qui naîtront dans le bruit des bombes. Peu importent ces femmes, prêtes à tout pour survivre. Peu importe leur suivi médical dans un pays qui privilégie désormais la médecine de guerre. Peu importe la terreur dès lors que leur corps répond à la marche forcée des inséminations. Peu importe l'inconfort, le froid glacial, dès lors que leur utérus tient au chaud l'embryon acheté.

Il est deux sortes de barbarie. Celle qui arrache l'individu à une identité collective et le défait de ce qu'il porte d'appartenance à un commun sculpté par un esprit, une histoire, des souvenirs et ce «désir de continuer ensemble» cher à Ernest Renan. L'Ukraine s'épuise à batailler pour cela. L'autre barbarie est d'ôter à l'être humain son intégrité. L'étymologie latine nous apporte un éclairage essentiel. Integritas c'est «l'état d'être intact», de préserver une «totalité». La gestation pour autrui, plus encore en Ukraine, et plus encore à cette heure, ne permet en aucun cas un tel état d'être. L'intégrité psychologique de ces «mères porteuses» ne peut être assurée tant leur situation économique interdit tout libre arbitre réel. Rappelons également ici que les «mères porteuses» qui souhaitent garder l'enfant qu'elles ont mis au monde se voient opposer un contrat qu'elles ont signé de leur main quelques mois plus tôt.

Plus encore, c'est leur intégrité physique qui est anéantie. Nous pouvons le résumer ainsi : ces jeunes femmes ne disposent plus de leur propre corps. Peu de cas est fait, par exemple, des injections d'hormones à haute dose qu'elles doivent subir pour supporter un embryon qui n'a aucun lien génétique avec elles. Une fois enceintes, elles sont habituellement réunies à plusieurs dans un appartement, loin de leurs villes natales, surveillées par un superviseur qui les contraint à respecter des horaires stricts. L'une d'elles, Alina, rapportait à une journaliste[1] : «Si nous n'étions pas de retour avant quatre heures de l'après-midi, nous pouvions recevoir une amende de 100 dollars». C'est sans compter les amendes qui sanctionnent la moindre plainte à l'encontre de la clinique ou des médecins. Dans une interview au journal El Pais[2], Maria rapportait le calvaire traversé lors de sa grossesse pour autrui. Parlons crûment. La jeune femme saigne intensément. La clinique ne réagit pas. Devant l'intensité des saignements, elle est finalement examinée : «L'hôpital m'a dit que le fœtus était mort depuis deux semaines. La clinique ne m'a donné que 300 euros. J'ai mis deux mois à m'en remettre. C'est très dur et très triste». De telles situations sont loin d'être exceptionnelles. En Ukraine, plusieurs de ces femmes déclarent régulièrement être considérées comme du «bétail».

 

SOURCE 


12 commentaires:

  1. C'est l'éternel vieux truc, mais adapté à notre époque : pendant les travaux, la vente continue…

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  2. Business is business...

    Le Page.

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  3. P.S me semble que votre texte a le hoquet.

    Le Page.

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  4. A quand une enquête de Cash Investigation d'Élise Lucet sur le sujet ?

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    1. C'est vrai qu'elle aime bien montrer le côté sordide de l'humanité.
      Comme hier soir avec les Ehpad...

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  5. C'est peut-être aussi un peu pour permettre à de telles belles histoires d'Âmour de se perpétrer (ou 'perpétuer' ? je confonds parfois) entre Juliette et Yseult ou entre Tristan et Roméo qu'il faut bouter l'envahisseur...

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    1. Oui hein, ces barbares qui ne comprennent rien et ne comprendront jamais rien au progrès...

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  6. Dégoût au carré et même au cube: pour cet horrible bizness, envers ce "couple" complice et pour "cette belle histoire" de la journaliste.
    Pangloss

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    1. Pareil...
      Les belles histoires de notre époque sont vraiment bizarres...

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Lâchez-vous ! Mais en gens bien élevés tout de même...