lundi 27 décembre 2021

Fredi chez les tradis


La messe était commencée quand nous entrâmes, ma belle et moi, à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le curé la disait en latin, dos au public comme il se doit depuis le "niet" de cette institution parisienne à Vatican II. les fidèles étaient assez nombreux et de tous âges. Nous choisîmes deux places dans l'allée de droite. De là nous n'avions plus la vue sur les officiants, mais nous restait le son, un peu faiblard, des prêches et des chants. Je remarquais, sur un arc du côté gauche du chœur de l'église, une fissure assez importante qui montait en zigzagant jusqu'aux vitraux du sommet. Une femme devant nous, tout de blanc vêtue et portant une mantille, restait obstinément agenouillée, faisant penser à une dévote espagnole ou italienne d'un autre siècle.

Des retardataires continuaient, seuls ou en famille, d'entrer en se signant, marquant d'une brève génuflexion.


Nous quittâmes ce lieu de foi ardente où transpirait aussi, était-ce qu'une impression, beaucoup de politique.

Mais cette visite m'a rappelé des souvenirs.

Dans mon village, quand j'étais enfant, il y avait une église, ce qui est assez banal encore, mais il y avait aussi un couvent, ce qui l'est moins. Les sœurs devaient toutes avoir un diplôme d'infirmière, car c'étaient elles qui parcouraient nos campagnes, changeaient les pansements, faisaient les piqures, contrôlaient la température, faisaient des recommandations : une visite chez le médecin pour les cas inquiétants, des prières à Marie pour ceux qui n'avaient que 37,8.

Et nous allions à la messe tous les dimanches.

Nous avions notre place, au troisième rang. Je me souviens que pour les incrédules, qui malgré tout voulaient se faire voir, il y avait au-dessus de l'orgue un espace qui leur était réservé, une sorte de purgatoire que l'on atteignait par un meunier, dont ils ne descendaient jamais au moment de la communion. Moi, j'étais à côté d'un fils de famille qui devait avoir dans les quarante piges. L'abbé, qui avait vu passer Vatican II sans s'en émouvoir, disait sa messe comme il l'avait toujours fait. Ce qui avait pu se dire et se décider quelques années auparavant autour du Pape, ça lui en avait touché l'une sans faire bouger l'autre. Et c'étaient des chants en latin auxquels je ne comprenais pas grand-chose : Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, factorem caeli et terrae, visibilium omnium et invisibilium*. Mon voisin, un baryton qui m'impressionnait, m'invitait à l'accompagner de ma voix fluette qui tardait à muer. Debout... assis... à genoux... Mais qui nom de D... avait pu avoir l'idée de faire des prie-Dieu si raides, inclinés en plus, qui me niquaient les rotules ! Assis... c'était le silence de fin de messe, le recueillement dans une odeur d'encens, odeur que j'aimais bien ma foi. Debout : "allez dans la paix du Christ !" "Amen"...  Et nous nous retrouvions sur le parvis de l'église. Les cloches sonnaient. Le curé venait faire le service après-vente auprès de ses ouailles, prenait des rendez-vous pour confesse, aux heures creuses de la semaine, avec quelques paroissiennes désireuses de libérer leur conscience. Nous, nous retournions chez nous où nous attendaient d'autres odeurs délicieuses : celles du poulet qui rôtissait doucement en compagnie de pommes de terre du jardin.

Comment tout cela a-t-il disparu ? Par quelle forme d'ingratitude ? Le couvent est devenu "logements sociaux". L'église est fermée, n'ouvre plus qu'à l'occasion d'un mariage ou, plus sûrement, d'un enterrement. Le curé qui se déplace pour l'occasion n'est jamais le même : ils sont devenus les intermittents du bon Dieu. À la pige, ils disent encore un message qui se perd. 

*visibilium omnium et invisibilium.  Ça surtout, même en latin, c'est difficile à admettre pour la caboche d'un môme...




7 commentaires:

  1. Des souvenirs aussi de quand j'étais enfant de chœur (jamais pédophilisé, d'après mes souvenirs !) pour un curé de campagne qui servait (déjà...) trois paroisses rurales au volant de sa "Domaine".
    Il y a un siècle de ça...



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    1. Jamais pédophilisé ? Vous êtes sûr que c'était un vrai curé ?

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    2. Ou alors, c'était dans un état second après lui avoir vidé les burettes (celles contenant le vin de messe)..

      Non, je déconne !


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  2. Né en 1950, j'ai passé l'essentiel de ma vie pratiquante avec la messe en latin. Les rares fois qu'il m'arrive d'assister à un office, c'est donc en latin que je rejoins, à voix base vue ma forte voix, le chœur des croyants qui psalmodient en français.

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  3. Très bon texte, Fredi !
    Pour ce qui me concerne, j'ai quitté l'Église quand elle a quitté le latin, et que les guitares ont remplacé l'harmonium ! Au moins ai-je pu respecter les papes Jean-Paul II et Benoît XVI qui ont fait ce qu'ils ont pu mais hélas, n'ont rien pu faire pour ralentir la décadence de l'Église, jusqu'à l'élection d'un pape qui affirme haut et fort, chaque fois qu'il en a l'occasion, sa haine de l'Occident qui avait pourtant fait de l'Église du Christ une Église universelle.

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    1. Merci du compliment !
      J'dois dire qu'à moi aussi il me les brise menu l'actuel locataire du Vatican...

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Lâchez-vous ! Mais en gens bien élevés tout de même...