Depuis le temps qu'elle m'en réclamait quelques pousses...
- Je t'ai apporté des lilas de "S" !
- Ô merci ! Ce sont des blancs ?
- Oui. Je les ai prélevés à côté de chez Brigitte. Mais ils sentiront bon quand même...
Brigitte est un chiotte à "S" posé sur une structure de bois au-dessus d'un trou, habillé de tuiles romanes et caché derrière un bouquet de lilas. Nous l'utilisons encore beaucoup et, l'été, l'endroit est envahi de grasses mouches bruyantes, vertes ou bleues.
Il faut dire que le confort à "S" est un peu sommaire, spartiate. Quand il y a quarante ans ma belle me fit découvrir ces lieux splendides, il n'y avait rien. Dans les années 70 mes beaux-parents avaient sauvé de l'écroulement total cette ancienne magnanerie. Longtemps après que les travaux de sauvegarde furent finis, les cartes d'état-major de la région continuaient d'indiquer "S" avec la mention "ruines" en italiques accolée. De fait, il restait beaucoup à faire.
- Mais ils faisaient comment tes parents quand ils venaient ici ?
- Mon père avait creusé un trou, là, derrière les lilas et avait posé quelques planches dessus.
Le trou s'était bouché et des planches, il ne restait que quelques débris pourris.
- Bon... et on fait comment maintenant ?
Avec un sens de l'a-propos, elle me répondit " tu te dém....".
Et nous partions tous les matins, dans des directions opposées, avec notre rouleau de pq à la main... Au bout de quelques jours, quand nous commencions à sentir un peu fort, nous descendions nous asperger d'eau claire au ruisseau qui est en contrebas de la maison, car d'eau courante nous en étions également dépourvus. Mais en secret (quel secret...) je conservais l'idée de réhabiliter les chiottes de mon beau-père.
Un jour que je revenais de faire mes courses, je m'arrêtais au village et pénétrais dans le café de M. B. M. B. était un jovial colosse, passionné de chasse, qui devait être emporté par le crabe quelques années plus tard. Pour l'heure j'étais son seul client. Je lui commandais un pastis et il mit deux verres sur le comptoir :
- Je vous accompagne si vous le voulez bien.
Et nous entamâmes une conversation de bric et de broc, faite de ces futilités que l'on se dit entre deux presque inconnus. À un moment, à brûle-pourpoint, je lui demandais s'il ne connaissait personne qui aurait un chiotte à vendre.
- Ah on peut dire que vous tombez bien vous ! J'en ai un justement, moi, de chiotte ! Vous voulez le voir ?
Eh comment que je voulais...
Il m'entraina dans la cour derrière son établissement. Là, à côté d'un réduit à outils, il y avait un magnifique trône de porcelaine immaculée. Je me laissais aller à la contemplation de l'objet*. En fait de contemplation, je me demandais surtout comment j'allai bien pouvoir m'y prendre pour briser le siphon sans trop de dégâts, afin de créer une prise directe avec mon trou. Mais M. B. se trompa sur mon attitude qu'il prit pour de l'hésitation :
- Je vois que vous n'arrivez pas à vous décider. Mais vous savez ce ne sont pas n'importe quels chiottes !
- Ah bon ? Et qu'ont-ils de si particulier ?
- Eh bien avant que je me décide à les remplacer, ils étaient dans mon café. Un jour, Brigitte Bardot est passée dans notre vallée. Elle a pris un verre ici et puis... et puis elle a demandé les toilettes. Voilà ...
- Oh mais dites-moi ça change tout ! Si BB a fait l'honneur de poser son adorable fessier sur ces chiottes je les prends sans plus me poser de question !
Je rapportais mon trésor derrière le comptoir. Sans même me demander mon avis M. B. nous resservit deux pastis. La scène eut paru cocasse à un visiteur : deux hommes accoudés de part et d'autre du comptoir dont l'un avait pour voisin immédiat un magnifique chiotte.
Il ne me demanda pas d'argent, trop content sans doute de l'avoir débarrassé d'un encombrant promit à la déchetterie. Mais, au moment de payer mes consommations, je laissais malgré tout un Debussy sur le comptoir.
Brigitte valait bien ça...
*Ben quoi ? À Beaubourg on contemple bien des urinoirs !
Honte à vous!
RépondreSupprimerChiotte est un nom F-E-M-I-N-I-N.
Bof...
SupprimerC'est de l'argot on peut être souple avec son orthographe. Et puis ça sonne mieux au masculin je trouve...
Et figurez-vous que vous ne m'apprenez rien d'ailleurs ! La faute est totalement volontaire... 😁
De la même façon je préfère dire "une clope".
SupprimerEt pourtant...
On rencontre les deux genres chez les meilleurs auteurs. Donc : arrêtez de vous chamailler !
SupprimerPour clope, je crois que c'est un peu différent : au départ, UN clope désignait un mégot et pouvait s'écrire "clop" (cf Jean Genet : Un clop mouillé suffit à nous désoler tous) ; puis, UNE clope est devenue une cigarette entière.
C'est ce qu'on appelle un glissement sémantique, avec double salto arrière…
On rencontre les deux genres chez les meilleurs auteurs. Donc : arrêtez de vous chamailler !
SupprimerVoilà !
Et puis le petit Robert qui ces jours-ci fait preuve de grande tolérance serait sans doute d'accord avec moi.
Et oui clop(e) désigne bien un mégot, un truc de clochard...
Dans une ancienne magnanerie avoir un chiotte où l'on peut conserver ses vers à soi, c'est le top!
RépondreSupprimerLe Page.
😁😁😁
SupprimerExcellent !!!
"Nous entamèrent une conversation"!!!!!
RépondreSupprimerAKA-47
Ah oui m... 🤭🤭🤭
SupprimerSi ça peut vous aider...
SupprimerAh ah ah ah !!!
SupprimerExcellent ça aussi ! :)
Qu'est-ce qu'on se marre sur les blogs...
En découvrant le prénom du titre et la photo, je suis resté s(c)eptique un bref moment... A cause d'une autre "Brigitte" célèbre, peut-être...
RépondreSupprimerje suis resté s(c)eptique
SupprimerHi hi hi hi..... :)
Merci pour cette jolie histoire, très...romantique.
RépondreSupprimer😁😁😁
SupprimerWith pleasure !
Le monde est mal fait. Oncle Jacques passe son temps à refaire sa salle de bain et ses toilettes, publie ses résultats fantastiques avec photos à l'appui sur son blog, appâte le tout avec des saucisses, des boudins et des civets et jamais Brigitte ne les visite. De votre coté, vous posez un vague chiotte (masc. pour moi aussi) d'occasion sur quatre planche et hop, c'est Dieu créa la femme dans la Garrigue. Il n'y a vraiment aucune justice.
RépondreSupprimeret hop, c'est Dieu créa la femme dans la Garrigue
SupprimerMouarf !!! 😁
Décidément au moins ce billet aura fait un peu sourire ! Tant mieux...
La Dive, vous mettez le doigt sur un de mes grands regrets : le fait que BB n'ait jamais mis les fesses sur mes toilettes. Ce regret me hantera probablement jusqu'à la fin de mes jours. D'un autre côté, n'habitant pas près de chez elle et mes toilettes n'état pas ouvertes au public, cette absence de visite s'explique.
SupprimerC'est pas LE MÉPRIS plutôt ? :
RépondreSupprimer" et mes fesses, tu les aimes mes fesses ?"
Peut-être...
SupprimerMais quoi qu'il en soit mépriser les fesses de BB m'a paru sur le moment impossible...
J'étais vaincu...
SupprimerJe comprends maintenant pourquoi vous trouvez mes rénovations trop conventionnelles !
RépondreSupprimerEh oui... Moi je fais dans le rustique !
Supprimerje me suis bien amusée à votre lecture !
RépondreSupprimerEh bien si j'ai mis un peu de soleil dans cette grisaille automnale tant mieux ! ☺️
SupprimerEt merci.
N'empêche, des chiottes qui ont connu le derrière de Brigitte à la grande époque, cela devrait pouvoir se faire visiter, avec le produit vous pourriez peut être même envisager la fausse sceptique...je veux dire la fosse septique...
SupprimerAmitiés.
Moi je pensais les faire inscrire au patrimoine de l'UNESCO... 🥴
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