vendredi 6 août 2021

Au pays d'Olivier de Serres

 



J'ai raconté dans mon avant-dernier billet mon combat contre la végétation, ici par trop envahissante, où la liane et la ronce s'enlacent autour du sureau dans une sorte de permaculture du pire, une conjuration de malveillants, le combat peu orthodoxe que je menais avec "R" pour en venir à bout.

Au pays d'Olivier de Serres je voudrais rendre hommage aux hommes qui jadis l'avaient domptée cette nature austère, avaient rendu la vie possible dans ces collines arides. Ils ont été les victimes du mirage de la révolution industrielle, de la guerre aussi (beaucoup). Aujourd'hui leur travail séculaire disparaît, les restanques s'estompent, englouties par les cades, les chênes nains et les buis. Le bobo-écolo se réjouit de voir la nature "reprendre ses droits" ; le paysan se désole de tout ce gâchis. Moi j'ai le cul entre deux chaises : citadin mais fils de paysan, je n'arrive pas à me faire une opinion définitive. Mais parfois je me demande quel sens peut bien avoir ces maisons dont on ouvre les volets deux fois par an, "aux beaux jours". Leur vocation était pour une autre activité, une autre race d'hommes, aujourd'hui disparue, vivant de peu, fabriquant leur huile de noix, élevant des vers à soie, entretenant un maigre bétail, allant à la ville vendre quelques poules. 

L'autre soir, à m'en polir les paumes, j'ai caressé les pierres de la vieille bâtisse et pensé à ceux qui les avaient assemblées pour en faire cette maison que nous aimons tant. J'aurais aimé être des leurs pour la construire. J'aurais été leur "arpète", le "lapin". J'aurais hissé à la chèvre les sceaux de mortier, sonné les pierres, choisi les plus dures les plus bleues, écarté la marne friable, trinqué au vin clairet, celui qui désaltère sans assommer et donne du cœur à l'ouvrage. À la fin du chantier, privilège de la jeunesse, je serais monté sur le toit pour y accroché un bouquet de branches de lilas et d'eucalyptus avec en son centre un chardon royal, bouquet qui signifie que la demeure est achevée et qu'il est temps de fêter la fin des travaux.

Oui j'aurais aimé être des leurs car je me sens leur semblable, leur modeste successeur. 

12 commentaires:

  1. J'ai toujours trouvé amusant, et plutôt bienvenu, que le "saint patron" des agronomes s'appelle justement Serres.

    C'est un peu comme l'abbé Oraison ou le couvreur qui se nomme Charpentier…

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    1. Ah oui !
      Et je n'avais jamais fait le rapprochement !
      Bien vu...

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    2. Ici les serres ce sont plutôt des collines...

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    3. « une colline de forme allongée »; il semble que la serre est spécifiée par l'allongement du sommet plus que par l'altitude [F. de Dainville, loc. cit.]), issu du lat. serra « crête dentée », « montagne »

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  2. Beau texte qui rappelle la chanson où Jean Ferrat raconte la mort de cette agriculture des collines et des montagnes sur les flancs desquelles on voit inexorablement les murettes que vous nommez restanques s'effacer, envahies de végétaux divers.

    La nature y reprendrait ses droits ? La notion de "droits de la nature" me paraît bien floue et peu compatible avec les activités des hommes. Plus qu'un bienfait, cette reprise m'apparaît comme un ensauvagement rural comparable à l'urbain et aussi inévitable dans le type de développement qui est le nôtre et que nous chérissons tant.

    Il est encore des lieux où la culture en terrasses demeure : en Asie ou plus près de nous aux Canaries comme je l'ai constaté au début des années 90. La question est : pour combien de temps ?

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    1. « Il est encore des lieux où la culture en terrasses demeure »

      D'où l'expression : « Et si on allait prendre le vert en terrasse ? »

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    2. Merci !
      Dans le sud les terrasses se nomment bien des "restanques".
      Et vous avez raison : il s'agit bien d'un ensauvagement.

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    3. @Didier Goux :
      Mouarf ! 😀

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  3. Le monde est, une fois encore, divisé en deux : les "modernes" qui bénéficient (sic) d'une "réalité augmentée" et les autres à qui on réserve une sorte de "réalité diminuée".

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    1. Je crois que l'on aurait pas imposé un passe-sanitaire aux gens dont je parle...

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  4. Moi j'ai abandonné la terre de mes ancêtres à la végétation destructrice. J'en suis honteux, désolé, dévasté et souvent cela m'empêche de dormir, c'est un châtiment bien trop tendre.
    Amitiés.

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Lâchez-vous ! Mais en gens bien élevés tout de même...