J'ai raconté dans mon avant-dernier billet mon combat contre la végétation, ici par trop envahissante, où la liane et la ronce s'enlacent autour du sureau dans une sorte de permaculture du pire, une conjuration de malveillants, le combat peu orthodoxe que je menais avec "R" pour en venir à bout.
Au pays d'Olivier de Serres je voudrais rendre hommage aux hommes qui jadis l'avaient domptée cette nature austère, avaient rendu la vie possible dans ces collines arides. Ils ont été les victimes du mirage de la révolution industrielle, de la guerre aussi (beaucoup). Aujourd'hui leur travail séculaire disparaît, les restanques s'estompent, englouties par les cades, les chênes nains et les buis. Le bobo-écolo se réjouit de voir la nature "reprendre ses droits" ; le paysan se désole de tout ce gâchis. Moi j'ai le cul entre deux chaises : citadin mais fils de paysan, je n'arrive pas à me faire une opinion définitive. Mais parfois je me demande quel sens peut bien avoir ces maisons dont on ouvre les volets deux fois par an, "aux beaux jours". Leur vocation était pour une autre activité, une autre race d'hommes, aujourd'hui disparue, vivant de peu, fabriquant leur huile de noix, élevant des vers à soie, entretenant un maigre bétail, allant à la ville vendre quelques poules.
L'autre soir, à m'en polir les paumes, j'ai caressé les pierres de la vieille bâtisse et pensé à ceux qui les avaient assemblées pour en faire cette maison que nous aimons tant. J'aurais aimé être des leurs pour la construire. J'aurais été leur "arpète", le "lapin". J'aurais hissé à la chèvre les sceaux de mortier, sonné les pierres, choisi les plus dures les plus bleues, écarté la marne friable, trinqué au vin clairet, celui qui désaltère sans assommer et donne du cœur à l'ouvrage. À la fin du chantier, privilège de la jeunesse, je serais monté sur le toit pour y accroché un bouquet de branches de lilas et d'eucalyptus avec en son centre un chardon royal, bouquet qui signifie que la demeure est achevée et qu'il est temps de fêter la fin des travaux.
Oui j'aurais aimé être des leurs car je me sens leur semblable, leur modeste successeur.