J'ai toujours eu la passion des couteaux : Mercator, Douk-douk, Laguiole, ou même ce brave Opinel, dont je possède un exemplaire avec, sur sa lame, gravées la longitude et la latitude d'un sommet de nos montagnes.
Ça vient de loin cette passion. Je me souviens, enfant, me promenant dans notre vallée, avoir trouvé un couteau-serpette, au pied d'un sapin, perdu sans doute par un cueilleur de champignons après sa récolte de girolles. Ce fut pour moi comme la découverte d'un trésor, trésor que je cachais à mes parents. La beauté simple (pour moi la beauté est toujours simple, épurée) de cet objet de bois et de fer me fascinait. J'aimais le "clac" qu'il faisait en le refermant, la courbure de sa lame qui finissait en une pointe redoutable. Je le caressais au fond de ma poche.
Dérive sémantique : nous n'appellions pas ça des couteaux mais des canifs. Nous nous en servions pour découper une pomme, une rondelle de saucisson, graver des cœurs sur les troncs des arbres, crever le pneu de la mob d'un emmerdeur, mais jamais au grand jamais, pour trucider notre semblable pour "un mauvais regard".
Il semblerait que les choses aient bien changé...
La pomme et le saucisson sont devenus artère fémorale, organes vitaux, carotide.
Nous avons importé chez nous des gens qui font, par culture et tradition, un mauvais usage du couteau.